vendredi 5 septembre 2008

5 1991 1998 RAVES PARTIES

1991 1998 RAVES PARTIES

Puisque c'est à Londres que ça se passe allons voir !

A Londres, des teufs il y en a plein, des magasins de skeuds aussi, genre Black Market, Unity, Rough Trade à Soho. Le break beat, c'est une surprise; un rythme ternaire très lourd, une autre façon de danser pour nous qui sommes habitués au rythme binaire. Les MC's, les masters of ceremony autre surprise, ça aussi on ne connait pas chez nous. On aurait plutôt tendance à les huer. Ils toastent, ils parlent quoi, ce n'est pas vraiment du rap, et ce n'est pas de la chanson non plus. Ils encouragent la foule à lever les mains, à taper dans les mains, chez nous ça ferait blaireau, mais là ça marche. Ils faut dire que les anglais sont de grands malades, niveau énergie dépenser sur le dance floor on n'avait encore jamais vu ça. Leur danse est entre le pogo et le jogging. Leurs habits sont entre le punk et le jogging, leur attitude est entre la bagarre et le jogging. Londres est une ville sportive !




De Londres je connaissais ce que l'on peut y faire quand on vient en voyage touristique d'ado. Déjà ça c'est chouette et dépaysant. Mais là on a laissé tomber les musées et autres circuits touristiques.




Le premier monument que l'on voulu visité c'est Battersea Power. La fameuse usine de la pochette du disque Animals de Pink Floyd . Quatre énormes et magnifiques cheminées couronnent les toits de Londres. Les usines sont vraiment dans l'air du temps, car la techno se réfère souvent aux machines, aux engrenages, à la crise industrielles. Depuis gosses, on a toujours aimé visiter les usines désaffectées du quartier. Ces lieux énormes, détruits et vides sont des terrains de jeux hors du monde où l'imaginaire se déploie.  Mais on ne s'imaginait encore y faire la fête. A Battersea il y a eu des teufs, on y voit les restes des graphs ou des panneaux indiquant la direction du bar. On est tout de même fort surpris parce qu'il n'y a pas de toit à ce bâtiment, et le sol est boueux, déception. On va ensuite dans les docks faire le plein d'architecture indus crasseuse et rouillée, on est ravis et surexcités par la nuit qui s'approche.




A Londres on fait la fête dans les usines, mais on n'a pas été foutus d'en trouver une. Par contre on est tombé sur une affiche plus qu'alléchante la soirée Lost avec Kevin Saunderson et Mix Master Morris. Oh bien sûr pas dans la même salle. La distorsion de l'espace et du temps ne me permet pas d'être précis sur ce lieu, je crois bien que c'est à l'Université sur Holloway Road. Bon ce n'est pas une usine, mais ce n'est pas un club n'ont plus, plutôt un genre de théâtre.



Il y a des stands de vente de fringues et de bouffe, des tatoués et percés en tout genre, des marginaux, des sortes d'hippies punks. Qui sont-ils ? La discussion apporte des réponses: les travellers. Ils vivent en marge de la société, ce sont les enfants d'une politique ultra libérale, qui les à mis à la rue, sans travail, ni aide. Ils se sont regroupés en tribus nomades solidaires. C'est là que l'on nous parle des Spiral Tribe, ce sound system itinérant organise des free parties, ils squattent des lieux abandonnés et y balance les watts. Leur musique est très expérimentale, une rythmique rapide et saccadée et des sons synthétiques venus de l'espace. On est très loin de la House ou de la Techno que l'on connait.




En after on découvre le marché de Camden Town. On connaissait les anglais punks ou rastas, on les découvre tout mélangé, comme si une culture commune marginale regroupait tous les genres dans un style sale et méchant. Jusqu'à maintenant, on n'avait pas perçu de message politique dans cette culture musicale, mais là ça devenait évident. On était dans l'anarchie, on était dans la désobéissance civile, on était dans la résistance au grand capital. On était à l'opposé de la Villa et du Bocca avec leurs préoccupations de p'tits bourgs. 
Ce qui est flagrant à Londres c'est que la pauvreté entraîne l'ennui, la violence et la drogue. C'est donc dans tous les cas la même rengaine. La fête, le délire, l'énergie est l'échappatoire d'une génération ouvrière a qui on ne laissera pas faire sa place dans la société et qui se bat contre les salauds qui les oppriment. L'autodestruction typique des jeunes paumés qui veulent vivre fort et mourir vite, s'ils y arrivent. Les punks ne sont pas morts!




Mind th Gap! Retour à Lille, à dix mille années lumière, la claque est sourde et tenace. Nous avons découvert un nouvel aspect de ce mouvement musical, des lieux et des personnes différentes donnent une autre manière d’appréhender la House.  Alors on veut voir, on veut continuer à vivre ce mouvement hors les murs. Le plus simple pour nous c'est Paris. Radio Fréquence Gay commence à parler de raves en France. Des magasins de disques House ouvrent à la Bastille comme BPM. Et c'est parti, en très peu de temps Paris se réveille, et il y a des tonnes des teufs, de vraies raves dans des lieux formidables. De vrais jeux de piste pour trouver le lieu.




Des voyages en bus ou des rendez-vous sur des parkings, des usines grandes ou petites, des champignonnières ou des sous-sols glauques, des entrepôts, des anciens garages, des abbayes, des péniches, des dessous de ponts, des forêts, des lacs, des boites!?!, des lieux improbables et indéfinissables, et des arnaques bien sûrs. Transe, Techno, Hardcore, Goa, il y en a tellement eu, on a pu faire nos plus beaux raves : l'arche de la Défense, Mozinor, les Champignonnières, Fluozor, Adam X et Frankie Bones à Asnières, Speedy J à l'île de la Jatte, l'after de Célébration dans la serre à la Villette, Entrepôt Saint Maclou quai d'Austerlitz, les abbayes de Montcelle et de Royaumont les Gaia 4 et 5, les TBE, et l'incroyable Nostromo dans l'usine Citröen.




On est quai André Citroën devant l'usine de désaffectée de la marque aux chevrons. Il y a un monde pas possible pas de doute pour une fois c'est facile à trouver. De la rue l'usine me semble bien grande, le son me semble bien fort, l'ambiance me semble bien chaude. Quelle erreur, la grande usine que j'imaginais en voyant la façade est en réalité gigantesque, ce que je pensais être sa longueur était sa largeur. Mais il fallait bien cela car le centre de la pièce de plusieurs hectares est le site d'une sorte de scène pyramidale pharaonique, composée de murs d'enceintes monumentaux et surmontée d'un laser bleu formant un ciel nuageux de science fiction. La pièce est si grande que le laser n'est pas assez puissant pour porter jusqu'au bout. L'ambiance y est survolté, c'est ce que j'aime le plus dans les raves, il y a tellement de place dans les usines que l'on peut courir sur la musique. La techno de Juan Atkins ou de Blake Baxter raconte un voyage que l'on peut exprimer en consommant l'espace. Ici l'espace est tel qu'il ne faut pas moins d'une demie heure pour faire le tour de la salle en dansant. Formidable instant que le lever du soleil à travers les sheds, 15 mètres plus haut. On a vécu un truc de malades, il a fallu redescendre à la péniche rubis ou au pont de Tolbiac, je ne sais plus.




A Lille les teufs étaient  dans les forts militaires abandonnés ou dans les usines. L'intérêt des forts c'est qu'ils se trouvent au milieu des champs, donc pour le voisinage pas de problème de bruit. De plus ils sont super jolis, avec leurs arbres sur les toits on est tout de suite dans une ambiance irréelle. Ces forts sont tellement bien camouflés que personne ne sait qu'ils existent même si l'on passe devant tous les jours. Il faut mieux que cela soit discret parce qu'il est hors de question d'organiser quoi que ce soit de légal à Lille, les politiques d'ici sont de tels péquenauds qu'ils ne laisseraient même pas un club digne de ce nom s'implanter. Ils sont aveugles à la culture et ouvrent les parapluies de la sécurité en faisant les gros yeux. La rave est dangereuse, techno égal drogue, la fête est illégale, la techno le serait aussi si on pouvait. Alors ils préfèrent que des milliers de jeunes traversent la Belgique dans tous les sens, et se tuent sur les routes. Après tout c'est leur problème, et ça c'est leur politique.




Le fort du vert galant de Verlinghem est le plus souvent squatté. Facile d'accès, ces arches permettent de protéger les platines de la pluie. Method Air est le premier événement avec un vrai nom, Rudolph et Thomas en sont les organisateurs. Des tribus se mettent en place: Elemental Tribe, les Désaxés, Dalaï Tribe, Minimalist qui squattent les lieux à droite à gauche.



Rudolph nous propose d'organiser des teufs, c'est la naissance de notre tribu "les Interventions 3M". Pour ma part je suis un graphiste, je fais des flyers pour des boites donc ma partie était la com et la déco. J'ai participé à la conception de 4 raves 3M au fort d'Englos, 3M2 au fort de Seclin, Weird Braderie deux nuits dans les douves de la porte de Gand avec nos copains d'Elemental Tribe.




Pour 3M le rendez-vous des scotchés, on a choisi une salle du fort d'Englos en sous-sol dans l'axe de l'entrée. Une sorte de bunker rond sous terre avec des coursives latérales en brique auquel on accède par une pente casse gueule en terre battue. Il y a des pierres partout, on décide de tout virer et de peindre des logos sur les murs. L'organisation se fait tant bien que mal, on ne peut pas dire que ce soit facile et confortable. Mais le résultat est là, le monde est présent, et ils sont contents. Bien sûr on nous demande la suite, celle-ci est plus chaotique.




3M2 Laboratoire, est plus facile d'accès, le fort de Seclin est plus grand, les salles choisies aussi. Un grand rectangle avec une sorte de charpente improbable en plein milieu. Il y a une autre pièce plus petite qui est gérée par Elemental Tribe.




Il y avait beaucoup de peuple, le problème c'est que l'on n'avait pas anticipé tant de monde, il fallait garer toute ces voitures rationnellement. Surtout que personne n'a envie de faire ça. Alors on s'est laissé déborder, les ravers se sont garés sur le chemin d'accès au fort et là c'est devenu déjà moins discret. La gendarmerie était en déplacement pour gérer un accident pas très loin du site. Ils ont vu les lumières des voitures sur le chemin, se sont engagés eux-aussi et ont halluciné.



Chef, chef on a trouvé des rats verts!




Ils nous ont dit qu'ils nous avaient repérés vers 2 heures du mat, mais ils n'ont pas osés entrée tout de suite. C'est sûr qu'une camionnette face à 500 jeunes déchaînés ça ne l'aurait pas fait. D'ailleurs, à l'entrée ils m'ont demandé de les accompagner dans les lieux, ils n'en mènent pas large. Est-ce que ces déglingués vont être violents, c'est surtout cela qui les inquiétaient  Ah ça, ils se sont fait copieusement hués, sifflés et insultés, ce n'est pas si simple d'arrêter une teuf . Surtout que ces gendarmes sont cool, ils ne sortent pas les matraques et ne cassent rien. Il y en a même un qui me dit qu'il sort souvent en Belgique, et que s'il n'avait pas été de garde il serait bien venu avec nous ce soir. Le capitaine s'est déplacé pour voir, un mec très paternaliste; "c'est pas bien les enfants, vous êtes chez les militaires là, c'est pas très sérieux". En plus, il y a plein de drogue, plein de gens qui travaille au black, et vous vendez de l'alcool, c'est du vol de l'Etat ça. Aie, on est mal, dix chefs d'accusation au cul, rendez-vous à la gendarmerie.




Ceci dit, c'était une super teuf, tout le monde était ravi, l'ambiance était underground comme on les aime, et c'est une découverte pour beaucoup de participants. Alors tout va bien.
Les seuls qui se sentent vraiment lésés dans l'histoire c'est la Sacem, ils insistent pour que l'on paye la déclaration fiscale. Comme si on se faisait de la tune sur ce genre de teuf. En plus, tous les artistes diffusés ne verront jamais cet argent, en fait on a payé Jean Jacques Goldman.
Bon okay, les militaires ne sont pas très contents. Ils nous disent qu'en plus on a eu de la chance parce qu'ils font des manoeuvres la semaine suivante dans le fort, et qu'ils auraient bien aimé nous botter le cul. Mais c'est bon pour une fois bande de bitos.
Le fisc nous a lâché, grâce à l'élection présidentielle, l'amnestie de Chi Chi nous a permis d'économiser les 100 000 francs d'amende, on a bien choisie notre date.



Bon alors 3m3, on nous la demande souvent celle-là, et on nous la demandera encore longtemps. Bon moi je passe à autre chose, l'archi c'est bien aussi. On a tout de même fait un truc sympa, avec les Elemental, pendant la braderie de Lille, il y a toujours des sons un peu n'importe où. En général, pour nous c'est plutôt au square du Boulevard Carnot. Mais cette fois l'idée est d'investir les douves de la porte de Gand, grandiose. Super teuf 2 soirs de suite, un truc genre 6000 ravers qui passent sur le site. Un petit bout de teknival à Lille. Bon bien sûr avec nos moyens, très dur à sonorisé, à l'éclairer, impossible à décorer. On s'est cassé la tête à faire une boite conceptuelle, projetant des images, mais elle si petite que personne ne s'arrête pour regarder. La seule déco visible c'est le bar, et encore je ne suis pas sûr que les mecs qui se sont coursés et ont tout explosé pour régler leurs comptes,  on vu le bar.




Les raves sont difficiles à organiser dans des bâtiments désaffectés, c'est trop facile pour les flics de venir tout péter comme si c’était un kif du dimanche matin. La seule alternative valable ce sont les tekos, dans la forêt ou dans les champs. Les Spiral Tribe ont fait des adeptes partout dans le monde, et ça ce n'est pas près de s'arrêter. Seul problème à mon goût, c'est que la free party est toujours basée sur un seul style musical, et pas sur plusieurs courants, alors on est vite dans la monotonie rythmique, sur la longueur il y a des longueurs.
Alors bien sûr, il y a toujours les clubs. Je me souviendrai toujours comment les soirées Wake Up au Rex m'ont toujours réconcilié avec le monde. 



Last night DJ save my life. Merci Lolo.

Et il y a aussi les parades que ce soit à Paris, Zurich, Londres ou bien sûr Berlin, ces événements sont une source de joie dans les vies mornes de nos ville grises. Le plus beau carnaval européen (avec celui de Dunkerque) c'est bien sûr la Love Parade. Surtout au début des années nonantes, quand cela était à échelle humaine, quand il y avait de la place pour danser. Lorsque la Love Parade était en pleine ville, sous les arbres des boulevards berlinois, et qu'il faisait si beau que tout le monde jouait avec des pistolets à eau. 




Les filles sont belles et les garçons sexys, les styles se mélangent dans un brain storming géant de ce que pourrait être la coiffure du futur.

L'Est et L'Ouest se rejoignent est célèbrent la réunification de l'Allemagne, chute du mur, des temps moins pesant. Il faut dire que Berlin est à la fois une ville figée et dynamique. Le quartier Kreuzberg vient de se faire bombarder en 1945. Les squattent se déploient dans les immeubles déchirés par le guerre. Les mitraillettes ont lacérées les façades des immeubles, et rien n'a été réparé.  Mais c'est aussi une ville en chantier, avec un devenir ultramoderne, entre des architectures typiquement soviétiques, rigides et cheap, des terrains vagues, et des architectures typiquement bourgeoises, rigides et riches. C'est dans ce décor que la jeunesse allemande se réunie, par centaine de milliers, alors qu'en France dans le même temps le débat est de savoir s'il faut interdire au jeune d'écouter autre chose que de la chanson française. On se rend bien compte que la France a peur de son ombre, et qu'elle est bien triste et bien mal fichue. Comme disent les Anglais, la France est magnifique, c'est bien dommage qu'elle soit habitée par les français.




On est jamais prophète en son pays, alors est arrivé de l'étranger la French Touch. Si, si, on vous assure que vos p'tits gars ils assurent. Vous plaisantez, des français qui vendent des disques à l'étranger; et pas à des expatriés! Ce n'était (presque) jamais arrivé! Et voilà comment après une décennie de galère la France accepta enfin que ce mouvement culturel soit pris au sérieux; on pouvait enfin faire la fête sérieusement... En plus on était champions du monde de football, il y a des moments qui laissent ravers!





4 - AT THE VILLA

4 - AT THE VILLA


La nationale 50, entre Tournai et Courtrai, route mythique des boites, on y trouve tous les styles de musiques, toutes les tailles de boites. Cela va du plus gros la Bush, au plus petit le Campus à côté de Saint Luc, en passant par le Show Boat, le New Sparta et sa baraque à frites, j'en passe. Cette route est comme la rue de la soif à Courtrai, mais en plus grand, on passe de l'un à l'autre en faisant les cons, voire en se faisant virés.

Plastic dreams



Tout ça c'est bien sympa, mais ce n'est pas très pointu. Non, la N50 c'est surtout, et très loin devant tous les autres la Villa. Perdue au milieu des champs, un peu avant Courtrai, une petit maison blanche avec un toit de chaume noir. Une terrasse, une véranda, et rien d'autre, rien qui pourrait laisser penser qu'il s'agit d'un lieu, un vrai, une légende.

Suburban Knight


Le seul indice ce sont les files de voitures garées de chaque côté de la route sur des centaines de mètres. Je me suis toujours demandé comment on pouvait faire entrer autant de monde dans une si petite bicoque. Heureusement, la taille de la maison ne se ressent pas tellement à l'intérieur. Ok, c'est bien souvent bourré massacre, mais il y a tout de même de la place pour squatter, surtout des canapés bien confortables. Ces canaps sont importants, surtout si on reste jusqu'au dimanche en fin d'après-midi.

The house of God


La maison est divisée en deux parties à peu près égales. Une piste de danse en double hauteur, blanc et miroir, des plots pour se montrer. Un grand linéaire de bar, en partie derrière une vitre qui atténue le bruit de la musique. Johan et Phi Phi sont les rois de la house, mi belge, mi américaine. Ce sont bien souvent des morceaux progressifs qui tournent, des ambiances tribales, des bruits d'orage, des mélodies tristes.

You've got to believe in something. Why not believe in me?


Les nuits de la Villa sont plus belles que vos jours. C'est du moins ce que pensent les aficionados  pour la plupart des anciens skyliners. On trouve ici le même sentiment qu'au Sky, il y a une âme qui se dégage du lieu, une fierté d'être ces chanceux qui peuvent entrer. Ce n'est d'ailleurs pas toujours évident, car les videurs sont de sales blancs bien racistes. D'ailleurs, Il y a un truc un peu snob dans cette boîte, une impression que tout le monde se la pète.

Dominator. I wanna kiss myself.


Dommage, la coco pousse les blaireaux à se croire intelligents, les physiques normaux à se croire irrésistibles  et tout ce petit monde peut être fort désagréable. C'est fou, ce que l'on peut dire comme conneries lorsque tout est plaisir. Ce qui est dit la nuit ne voit pas le jour. Tout le monde le sait, pourtant cela n'empêche personne de se la ramener. Le bar est le lieu des conversations les plus fantaisistes, puisque personne n'a rien d’intéressant à dire et pourtant n'arrête pas de parler. Les plus marrantes sont les joutes verbales d'une X face à un Coco. Le coq agressif  sûr de lui, gonflant au possible, emballe la petite poupoule au sourire béat, elle boit ses palabres sans rien y comprendre.

E motion.


La seule chose compréhensible de tous est la drague matérialiste, qu'est ce tu me donnes en échange d'amour. Ici, on chasse à la pilule  On est très, très loin de l'érotisme du Sky, le sida a fait des ravages. Le sex est mort, vive la défonce; bon le sex est toujours derrière tout ça, mais le vrai plaisir c'est l'évasion. La frime, la piteuse envie de donner envie. Ibiza sur la Lys, ah petites têtes blondes décérébrées, vous êtes tout de même fort attendrissantes. La tristesse est toujours perceptible dans les lieux de débauche, elle s'y exprime ou s'y oublie. Les lieux sulfureux ne sont pas la cause première de la tristesse, mais ils en sont le terrain de jeu, le laboratoire, le bouillon de culture.

Bad Trip.

Jeudi au Chéops, Vendredi au Cherry Moon, Samedi à la Villa, Dimanche matin au Balmoral, Dimanche au Café d'Anvers. Sex, Drugs and House n Roll...


This is a Razzia.

Cette nuit-là à la Villa, le chef de la police belge a un béret vert, de grosses moustaches noires, moi j'ai cru à un gag. "Tiens, voilà Saddam Hussein, mais qu'est-ce qu'il fout là?" On nous dit que le risque est la fermeture du club, ça ne m'étonne pas. Le Bocca et l'Extreme ont fermé depuis peu, le gouvernement fait la chasse à la drogue. Les années de tolérance se terminent, sans doute le phénomène était-il devenu trop gros. La jeunesse sombrait un peu trop facilement dans le piège de l'extasy. Cette drogue a deux facettes, au début elle est amicale, souriante, festive; puis c'est le plongeon dans la tristesse, le mal de vivre voire le néant. Plus on est accro, plus on en a besoin pour se sentir bien; on se dérègle petit à petit, on va de plus en plus mal. Alors il faut se défoncer pour être de nouveau bien, il faut prendre d'autres drogues pour retrouver l'énergie originelle, celle qui, il y a quelques années, ne nous quittait jamais. Mais c'est peine perdue, le corps s’abîme, l'esprit n'est plus tranquille, les descentes sont de plus en plus longues et profondes.  


On a le temps de cogiter à tout ça pendant que long attend que la police nous fouille. Ils nous font mariner, ça leur fait bien marrer de voir la peur et les regards blafards des gamins qui commencent à descendre de leur nuage.


La boite ne fermera pas, ils n'ont pas trouvé tant de drogues que cela.  Mort de rire, la drogue était bien cachée dans le sang des convives, ou jetée dans la cuvette des chiottes. Quelle belle hypocrisie, allez la Villa est tout de même inquiétée, la raison est que le son va beaucoup trop fort pour nos pauvres oreilles de chérubins. Alors là, c'est une surprise, tout ce déploiement de flics à 4h00 du mat pour ça! Ma première impression était la bonne, c'est une histoire belge... Il y en a plus d'un qui se sont chiés dessus. Bon, maintenant il y aura en permanence le niveau des décibels indiqué derrière le DJ. Cela n'empêche pas mes oreilles de siffler en rentrant.

Mister Kirk. Your son is dead. AAO He died of an overdose.


3 - Fifty Five n Boccaccio Life

Après la fermeture du Sky nous sommes un peu désorientés. Nous avons, il est vrai, déjà testé d'autres lieux en parallèle du Sky, comme le Fifty Five, le 37.5, le Boccaccio, mais nous n'imaginions pas devenir des habitués de ces lieux.


Alors nous avons décidé d'être des habitués de tous les lieux intéressants, nous sommes devenus des Belgium Road Trotters.



Avec mes meilleurs amis, pour ainsi dire mes frères. Antoine, DJ Anton Martin dit Tonio, Crâo ou Tarzan à cause de ses longs cheveux. DJ par vocation et par feeling. François dit Franzois ou Willy, fêtard et impeccable designer. Thierry dit T, ou black, toujours là pour danser, et pour tout le reste. Nous allons en faire des kilomètres pour vibrer au son de la House. Avec tous les autres, qu'il serait trop long de citer; ces amis de toujours, ces rencontres superficielles mais bien agréables ou ces amitiés intenses mais parfois éphémères; la faune de la nuit se reconnaîtra sans doute dans cette description. 

Le Fifty Five à Kuurne est pour moi le lieu de 1990. C'est une ancienne fabrique de je ne sais quoi; c'est la première fois que je fais la fête dans une usine (il y en aura beaucoup d'autres). Dès l'entrée, la volumétrie est intéressante, le bar est au rez, tout en longueur, il fait face à des niveaux où l'on peut squatter et des escaliers qui montent vers le dance floor 5 mètres plus haut. Cet espace semble être en diagonal, on y a une vision en contre plongée sur les danseurs. Le grand volume principal ressemble à un cube, d'une quinzaine de mètres de côtés. C'est très sombre, tout est peint en noir, et les strombos sont surpuissants.

Tous les vendredis soirées On the Beach, la programmation y est tournée vers le passé récent : la Cold Wave, l'Indus, la New Wave. Ce même genre que l'on écoute également au 37.5. Le samedi c'est Techno avec Jan V, dans le même esprit mélancolique et industriel que la veille. C'est là que j'ai écouté la première fois Underground Resistance, mariage incroyable du Jazz et de la House.


D'autres bombes comme Dream Frequency, Home Boy Hippy and Funky Dread, nous apprennent qu'en Angleterre ils font des raves. Première fois qu'on entend ça, au début, d'ailleurs on nous parle de James, Stone Roses, Primal Scream, the Charlatans de la Pop anglaise quoi. Puis on apprend vite que le mouvement est totalement dingue là-bas. En particulier parce que les clubs ferment tellement tôt que les soirées s'improvisent un peu partout. 

C'est donc ça les raves, des teufs dans des lieux désaffectés, parce qu'on ne peut pas faire ça ailleurs. C'est sûr, ça ne risque pas d'exister en Belgique, vu qu'ici on a le droit de faire la fête partout et jusqu'à n'importe quelle heure. 


La preuve le Boccaccio Life à Destelbergen dans les faubourgs de Gand, c'est l'hyper discothèque, une sorte de centre commercial Carrefour vu de loin. Sortie directe de l'autoroute, énorme parking, bâtiment type entrepôt de logistique; on est à mille lieux du Sky et son ambiance bourgeoise. Mais le club cache bien son jeu, l'intérieur est beaucoup plus clinquant, limite bling bling pour l'époque. Le style est clairement inspiré des années septantes, strass et paillettes disco façon Studio 54, miroirs et grands escaliers, lights dans tous les sens, ça sent le fric à l'italienne. 

Boccaccio signifie carrefour en italien, ce lieu porte bien son nom, il y a beaucoup d'Italiens avec leurs Ferrari garées devant l'entrée, mais aussi des français, anglais, néerlandais, allemands et beaucoup de dope. C'est la première fois que j'en vois autant, c'est la folie non dissimulée.


Les lights sont omniprésentes et très belles, le sound system est incroyable, le son est quadriphonique, ils tournent autour des danseurs, enfin seulement quand les morceaux sont prévus pour. Je ne sais pas combien de milliers de personnes remplissent ce lieu, mais c'est certain que l'on est dans un phénomène de masse.

In the beginning, there was Jack, and Jack had a groove.

And from this groove came the groove of all grooves.
And while one day viciously throwing down on his box, Jack boldy declared,

'Let there be house!' and house music was born.

I am, you see,
I am the creator, and this is my house!
And, in my house there is only house music. But, I am not so
selfish because once you enter my house it then becomes OUR house and
OUR house music!' And, you see, no one can own house because

house music is a universal language, spoken and understood by all.

You see, house is a feeling that no one can understand really unless
you're deep into the vibe of house. House is an uncontrollable
desire to jack your body. And, as I told you before, this is
our house and our house music. And in every house, you
understand, there is a keeper. And, in this house, the keeper
is Jack. Now some of you who might wonder.

Who is Jack, and what is it that Jack does?

Jack is the one who gives you the power to jack your body!
Jack is the one who gives you the power to do the snake.
Jack is the one who gives you the key to the wiggly worm.
Jack is the one who learns you how to walk your body.
Jack is the one that can bring nations and nations of all
Jackers together under one house.

You may be black, you may be white; you may be Jew or Gentile.
It don't make difference in our House.

And this is fresh!

Can you feel it?

House is turn me up!

LET THERE BE HOUSE!

Larry Heard aka MR. Fingers 1987


Et voilà, la messe est dite, je suis marqué au fer rouge. J'ai senti, j'ai vibré, j'ai vu ce que je ne pensais pas voir, la transe, le lien avec l'autre, autrement. L'expérience du dance hall est une passion dévorante. Le clubbing, cocktail savant de lieux, de musiques, de lumières, de danse et d'une faune nocturne; le clubbing donne le plaisir de se sentir vivant, et vivre pour faire la fête. La boucle est bouclée. La nuit tous les yeux de chat brillent, le temps n'agit pas vraiment sur nous. Le temps de la nuit c'est du bonus, c'est le dessert, c'est la surprise. 


Fin et début de semaine, bien plus important que la semaine. Tout comme les vacances dans notre vie, ce sont ces moments, cet éphémère que l'on préfère. Enfin, lorsque l'on n'est pas attaché au matériel. Je pense être attaché au présent, à ma génération, au monde lorsqu'il cherche le sublime. Toutes ces choses nous font penser que les humains sont formidables. Nous sommes formidables, lorsque nous sommes décidés à l'être ensemble.

2 - NEW BEAT

2 - NEW BEAT

C'est vraiment très fou le disco, ça te gonfle le beat, ça te donne des érections... Gogol 1er.



La grande particularité du SKYLINE est d'être très particulier; pour devenir un Skyliner il faut changer de garde-robe. 
Le magasin Batter propose les fringues qu’il faut, j'achète mon premier Spector's ; le jeans est plus large que baggy, je rentre aisement entier dans une jambe XXXXXXL. C'est une sorte de pantalon pour obèse, ou un pantalon thaï revisité.
Il faut bien sûr la ceinture qui suit, très large, en cuir noir avec une grosse boucle chromée, rivets ou des pointes. Un blouson court genre boléro en jeans qui lui par contre est cintré très près du corps; la silhouette est sans doute inspirée par Corto Maltese. 


Pour les détails de beaux boutons en cuivre, décorés de chauve-souris, des plaques en cuivre genre plaque de flic à New York, rivetées sur la manche et à la ceinture. Pour la touche personnelle j'ajoute un tartan écossais du clan Campbell dans le dos, des épingles à nourrices et une étoile rouge qui vient d'URSS.  


Les jeans Marithé ou le Bill Tornade sont également de rigueur avec un tee-shirt Boy of London, Closed ou Speedy Graphito. 
Et bien sûr la veste de costard ou la veste autrichienne, la large cravate type années 70 et surtout le gilet sur chemise blanche avec ou sans jabot ; le mélange aristo punk colle bien au lieu.





Jean Paul Gaultier est la référence du moment, il propose des blousons teintés de science-fiction limite steampunk, des vestes corsets et surtout des jupes pour les hommes... 



Le détail que tout le monde porte est le Smiley (le sourire), il devient très vite le symbole de l'Acid House.

Le 10 mars 1963 le New York Herald Tribune publie pour la première fois ce logo rond où 2 points pour les yeux et un arc de cercle pour le sourire simplifie à l’extrême un visage plein de joie. 






Il semble que ce dessin est été utilisé à la base pour la communication d’une compagnie d’assurance, ce n’est que bien plus tard qu’il a représenté une drogue : l’Ectasy. 

Le groupe anglais Bomb the Bass l’utilise en 1987 sur la pochette de son maxi « Beat Dis »; il monte en tête des charts britanniques comme par enchantement. Ensuite suivent des centaines de réutilisations du smiley sur d’autres pochettes, des badges, des tee-shirts, des chemises, des chaussettes, des slips…  



« Beat Dis » est l’un des premiers morceaux à utiliser à fond le sampler avec « Pump up the volume » de MAARS qui compte 30 samples différents. L'échantillonneur (le sampler) permet d’isoler des sons et de pourvoir les intégrer avec une grande liberté dans un morceau. 
Le scratching arrive également en force dans ces morceaux, ils ont été inspirés par Grand Master Flash dans " The Adventures of the Wheels of Steel » (1981) et le « Rock it » d’Herbie Handcock. 
Le scratching transforme les platines en un réel instrument de musique que l’on pourrait classer dans la famille des percussions. Les morceaux préexistant deviennent grâce à ces deux techniques de la matière première pour faire de nouvelles créations. Cela entraîne de longs débats sur la propriété artistique, les droits d’utilisation, le plagiat…  



The names have been change to protect the innocents. 
5, 4, 3, 2, 1 Thunderbirds are go 
Just! 
Thunderbirds are go 
Just, just Just feel it 
Hold it now 
Hold it,hold it, hold it,
Hold it now
What does it all mean? 
What do you want? 
Everybody in the street 
Get, get, get, a-get 
Get down to the funzy beat 
Beat dis! 
Beat dis! 
Beat dis! 
Keep this frequency clear 
Pump that bass 
This is a journey into sound 
Stereophonic sound 
for d-d-d-dance music 
You play Russian roulette this way 
Keep this frequency clear 
Music please 
Get down to the funky beat 
Get down to the funky beat 
Get down to the funky beat 
Beat, beat B-b-beat dis! 
Pump that bass 
Keep this frequency clear».
   




Aciiid Aciiid A AA AAA Aciiiiiid.

Aciiiiiiiiiiiiiid le cri strident que tout le monde pousse ; puis avec des sifflets d'arbitre nous reprenons le rythme en choeur. 
Aciiiiiiiiiiiiiid sort de « We call it Acid » de D Mob ; ce morceau venu de l’espace nous explique que le son utilisé dans ce morceau s’appelle Acid. 
Ce son découvert par hasard en bidouillant un séquenceur: la TB 303 de chez Roland; machine inventée en 1982, prévue pour jouer une ligne de guitare basse pendant que l'on joue seul de la guitare. Mais elle ne convainc pas les guitariste car les sons qu’elle sort sont trop éloignés d’une vrai guitare; elle ne trouve pas son public mais elle créera un style musical tout de même...




Néanmoins dès 1982 le musicien indien Charanjit Singh doit être le seul à  avoir enregistré un disque «Synthesizing : Ten ragas to a disco beat » où la TB est utilisée pour remplacer une guitare basse; une curiosité.  Puis l’instrument passe quelques années dans les placards, jusqu’à sa redécouverte.



CHICAGO HOUSE


Chicago 1985, Marshall Jefferson compose « I’ve lost control » sur Trax Records. Avec ce morceau il redéfini la dance musique pour les années à venir. 

La TB 303 y est pour la première fois torturée et détournée de son application originelle; les sons qui en sortent sont si étranges qu’ils fascinent les amateurs de synthétiseurs. L’instrument connait dès lors son heure de gloire ; il formera la sainte famille Acid House associé aux autres membres de la famille Roland : la TR606, TR808, et la TR909. 

Ces boites à rythmes aux sons caractéristiques, donnent la couleur et l’ambiance typique des morceaux House.
Le plus emblématique est sans doute « Acid Trax » de Phuture, composé par DJ Pierre, Earl 'Spanky' Smith Jr. et Herb J produit par Marshall Jefferson. 
Ce voyage navigue entre musique tribale africaine et science-fiction ; l’an 2000 approche et le fait de changer de millénaire inspire les artistes.




La 303 peut sortir des sons hallucinants ; elle n’a pourtant l’air de rien avec ses petites touches genre piano, mais cinq petits potards modulent les sons à l’infini. Ils vous permettent de prendre votre « potard » ; le geste caractéristique de la manipulation de ces minuscules boutons devient vite familier jusqu’à être reproduit par les danseurs. 


Cette petite boîte a autant d’impact sur la musique que la guitare électrique en son temps ; toute aussi stridente et rapide que sa grande soeur, mais inouïe, synthétique et futuriste.



Le Sky n'est pas loin de Lille, mais comme on rentre totalement saoul, il faut mieux y aller en bus. Ce bus existe, il s'arrête à 500 mètres de chez moi: le bonheur. On commence à être beaucoup, il en faudrait peut-être deux ?

Les Nuits Rouges sont les soirées phares de début du week-end, le vendredi c'est la foire d'empoigne au bar… Les barmans Franz et Marylin sont des stars; ils nous servent les verres de Martini blanc par 4. 


Toutes les boissons sont offertes de minuit à 1h00, de 2 à 3, et 4 à 5h00, quel zouk!




Le samedi est thématique.

Les soirées cocktail sont un peu comme les Nuits Rouges, mais là on t'offre une bouteille à l'entrée. On peut également demander un cercueil: tous les alcools plus parfois un peu d’alcool à 90°... 


Lors des soirées Casino, des roulettes permettent de miser ses Skyliners, on gagne ou on perd des boissons, misère!


Les soirées SM : « 15 coups de fouets si tu ne viens pas! » 
Dress code : guêpières cuir, porte jarretelles, colliers à pointe, martinets... No comment




Les soirées Catchs: dans le jardin un ring de boxe, combat entre Tarzan et Superman voire Batman.





Le strip tease de la Mère Noël, tous les ans c'est le cadeau de la maison. Je pense que le père Noël est un sacré coquin; il a la réputation d'être un Skyliner.




Je ne sais plus pour qu’elle occasion une farfare type Brass Band est entrée par les grandes portes fenêtres du bar ; à moins que je ne l’ai rêvée...


Marc Bulteau est un fabuleux metteur en scène et organisateur d'événements; son style est de proposer de l'inattendu, tout en surfant sur la vague et l’air du temps. 




Il donne beaucoup d’importance aux flyers qui annoncent les soirées, ils sont plein d’humour, d’érotisme, et d’avant-garde. Il en découle une vraie charte de club; un sentiment d'appartenance à une tribu marginale.








Le samedi à 15h00 une bande de Skyliners ravis commence à se donner rendez-vous sur la Grand Place de Lille. Le groupe devient tellement grand qu'il prend d'assaut Le Moderne; un café au fond du coin obtus de la place Rihour. Et voilà un repère d'habitués, 50 à 60 personnes squattent une grande pièce pour eux seuls. Ils ont tous un point commun: ils arpentent les autoroutes belges la nuit.


This is Belgium!

La Belgique développe très rapidement un son qui lui est propre; en réponse à la House américaine et à l’Acid House anglaise: la New Beat. 

Depuis plusieurs années des musiciens belges se sont investis dans le courant musical Electronic. 





Kraftwerk lance le mouvement en Europe de 1974 (Autobahn) à 1986 (Electric Café). Leurs œuvres sont soutirées à des synthétiseurs qu’ils ont eux-mêmes assemblés. 


Ce son unique marque toute une génération dont les belges de Telex qui sont parmi les premiers à suivre leur exemple. 

Leur morceau « Tour de France » de 1980 à même été fait avant le morceau « Tour de France » de Kraftwerk (1983), c'est dire...
En parallèle, au début des années 80 beaucoup de groupes Punk se sont tournés vers la musique électronique; ils ont développé la Synthpop (New Wave en français) basée en grande partie sur les performances du Yamaha DX7. La majorité des morceaux (y compris du Top 50) étaient composés avec des sons du DX7, et un solo de saxo bien sûr.

Jah Wobbel l’ex-bassiste du groupe de Johnny Rotten (ex-Clash) : PIL signe en 1981 un petit bijou « How much are they ? » qui préfigure l’ambiance mélancolique de la dance musique des années 80.





La Belgique invente l’Electronic Body Music à l'esthétique post-industrielle (les fermetures d'usines sont en constante augmentation depuis 1973).  Les sons samplés de machines-outils, les rythmes violents tabassés de manière frénétique marquent le début du plat pays comme la plaque tournante de l'electronic dance music. 




Front 242 est le groupe phare de ce mouvement, son image ambigüe laisse penser qu’il s’agit de néo nazis, mais ils ne font que jouer avec les symboles des idéologies extrémistes pour les désacraliser; comme ont commencé à le faire les punks avant eux. 




L’époque est mélancolie; is punk dead?

La Cold Wave qu’a insufflée le groupe Suicide à partir de 1970, s’est déclinée avec The Neon Judgement, Snowy Red (belges), Joy Division, The Cure, Anne Clark, A Split Second, Trisomie 21, Grauzone, Deux… 





Leur crédo, faut pas rigoler ! Cette ambiance morbide qui entre en résonance avec la crise et le chômage se nourrit du mal être des jeunes. 


Les nouveaux romantiques sont regardés comme des oiseaux de mauvaises augures, des corbeaux qui portent malheur, mais la réalité est qu’ils veulent faire peur pour qu’on les laisse tranquille; ils se camouflent, ils portent des masques, ils se protègent.





Le mélange expérimental entre Telex, Front 242, Snowy Red et la House a donné la New Beat; œuvre exclusivement belge où l’énergie joyeuse de la House que l’on rencontre dans les autres pays est détournée vers le rire jaune. 

C’est une musique lente et sombre, limite flippante comme le morceau « Saigon Nightmare » de King George, qui semble tout droit sortie d’un film d’horreur. 




L’autre aspect de la New Beat est de parler ouvertement de sexe, et même d’en rire comme dans « Acid Sex » de Nasty Thoughts où les samples utilisés viennent de vieux films pornos.




Sky my house band.

Patrice Catteau bidouille une petite perle new beat: « Ecoutez et répétez ». 
Un morceau tout en basses, lent et souple; la mouvance belge aime ce temps presque suspendu, propice à une sensualité torride et mystérieuse.
Les serveurs dansent lors d’un live pour le baptême du morceau ; habillés comme d'habitude avec un petit boxer moulant, blanc, orné d'une coquille protège coco, tenus par des bretelles noires; des Docs montantes finissent de les habiller.



Ils dansent bien campés sur leurs pieds, seul leur cul marque le beat (c’est le Sampa). Celui-ci entraine tout le reste dans un balancement, les bras dessinent des mouvements amples, ils marquent les sons aigus; dans leurs mains des lampes torches balayent la pièce.
La très mignonne pochette du disque est l'oeuvre de Laurent Platelle. Ce graphiste de grand talent et Bulteau créent l’identité visuelle très forte et raffinée du Sky.




Techno ou House?

Les discussions vont bon train: écoute ce disque, "Baby wants to ride" Jamie Principle, Franky Knuckles, ça c'est un Trax, de la House de Chicago. 

Celui-là, "Big Fun" Kevin Saunderson c'est de la Techno, on dirait de la soul mais il y a un son de piano un peu étrange qui vient de Detroit. 





La Garage, un truc plus chanté, c'est la House de New York.

Mais l'Acid avec la 303, c'est américain ou anglais? 
On essaye de ranger, de comprendre mais ça évolue très vite. 

Le terme Techno devient un mot très porteur; il sera choisi par les médias, pour parler du phénomène entier, sans rentrer dans les subtilités.




En France on a même droit à des explications  pas du tout subtiles à propos de la House. 

Christophe Dechavanne, lors de son émission TV « Ciel mon mardi » présente un show dans une boite où des danseurs déguisés en nazis dansent en levant le bras en l'air. 


Ils choisissent cette provocation à deux balles pour faire un scandale médiatique: la House est une musique dégénérée! 

Les jeunes qui aiment la house sont présentés comme des néo-nazis. 



Pourquoi n'ont-ils pas remarqué que le type déguisé en Hitler se faisait prendre par derrière par un de ses petits copains; que doit-on en conclure?


Le morceau « War beat » des Bassline Boys est loin d’être représentatif de l’Acid House et ce n’est sans doute pas un bon morceau. On n’en aurait pas parlé si une chorégraphie provocatrice n’avait pas été organisée pour faire un show et de la publicité...


Les danseurs habillés en Hitler et sa garde se trémoussent en faisant le salut nazi. Ce n’est pas bien malin, c'est certain; d’autant plus que les personnes interrogées par Dechavanne sont incapables de se défendre, et ne voient même pas le mal...


Voilà une belle polémique, qui fera rester les gens tard devant le petit écran. 





Le morceau a pour refrain « Adolph, you are going to pay!” (Adolph, tu vas payer) le reste du morceau est un sample du fameux discours de Churchil, qui affirme la très forte volonté des britanniques à lutter contre le nazisme… 

Malgré cela personne n'est capable d'expliquer ce genre d'information. Les danseurs étaient dans la déconnade, ils n'ont rien vu venir...
Le souci est que cette émission donne une image lamentable à ce mouvement culturel et la France va être dédaigneuse pendant plusieures années: la house est une musique bâtarde, agressive, dérangeante,  boom boom identique pendant des heures, musique de drogués...

De nos jours pratiquement toutes les musiques sont empreintes de house et d’électro; mais il ne faut pas oublier que ça a été très long pour en arriver là.





J’ai regardé cette émission chez ma sœur de 20 ans mon ainé et lui ai dit : regarde cette émission, toi qui ne connais pas la house, c'est la musique qui me plait. 
Ma soeur m'a pris pour un facho, alors que le mouvement prône l’amour, c’était du grand n'importe quoi.

Pour la petite histoire la vengeance s'appelle “Dechavanne you are going to pay”, un morceau très clairement comique contre l’animateur provocateur. « Tu comprends pas, tu lèves le bras » en est le refrain.





Mais bon il faudra faire avec, les médias ont choisi de manipuler la réalité pour faire leurs choux gras, cela ne va pas empêcher la house de grandir. 





Le comble dans tout cela c’est que le générique de cette émission était « Rock da House » des Beatmasters; d'ailleurs la seul argument qui a fait mouche fut "mais si c'est une musique bâtarde, pourquoi vous l'utilisé dans votre générique?!?"


Mais c'est faire grand cas de Dechavanne  qui nous a montré depuis que son fond de commerce n'est pas la culture. 

Le Skyline ferme le 15 Juin 1990, c'est le début d'une autre histoire...